Il gémit, là, dans cette petite chambre miteuse. Il exulte et se sent soudainement jouir. Le jeune nippon ferme les yeux et tombe à la renverse sur le lit. Pour cette vulgaire partie de jambes en l’air pas de draps de soie, rien qu’un vulgaire matelas éventré envahit par les puces et les tiques. Le corps malade de l’adolescent s’y délaisse, courbaturé par la misère et la débauche. Sa poitrine nue est brûlante, pourtant à l’intérieur il fait terriblement froid. Le corps du jeune homme roule sur le côté et il tend faiblement la main pour atteindre le tiroir de la table de nuit. Ses doigts se crispent autour de la seringue et il replie le bras sur sa poitrine. Lentement l’aiguille perce la peau et Takeru jette la tête en arrière. Le japonais ferme les yeux et ne bouge plus. Il sourit et laisse l’héroïne infiltrée délicieusement ses veines. Ce poison lui fait du bien. En réalité il le tue à petit feu en lui donnant l’impression de le guérir mais il ne veut pas y penser. Doucement, le jeune homme se redresse sur ses coudes et observe la jeune femme qui l’a suivi jusque dans le lit. Elle n’est même pas belle. Elle est même plutôt laide avec ses trois pouces de maquillages sur le visage. Son mascara dégoulinant laisse d’affreuses marques sur ses joues et son rouge à lèvres déborde jusqu’à son menton. Elle n’a rien de séduisante mais Takeru l’aime bien. Elle est gentille et dit rarement non. La jeune femme se cambre sous le regard de Takeru et gonfle sa poitrine nue. Le jeune homme sourit et lui tend la seringue. Ils viennent de baiser sans capote alors ils peuvent bien se piquer avec la même aiguille, ils ne risquent plus grand chose. Elle s’en empare avec soin comme si il s’agissait d’une relique sacrés et cherche une veine dans son bras avant de s’y injecter la fin de la dose. Il la regarde faire, rit un moment et retombe sur le dos. Désormais il est fatigué et il voudrait bien dormir. La jeune femme s’allonge à ses côtés et pose sa tête sur le torse du junkie. Il passe son bras autour de ses épaules et ferme les yeux. Cette nuit les deux âmes solitaires ont décidé de se réunir pour s’échanger un peu d’amour et de tendresse. Soudain les pensées de Takeru s’envolent vers sa mère. Il se demande auprès de qui elle dort ce soir. Peut-être qu’avec un peu de chance elle a réussie à mettre la main sur un riche client qui l’a emmené passer la nuit dans un hôtel luxueux ? En tout cas il espère qu’elle n’est pas tombée entre les griffes d’un salop comme c’était souvent le cas. Certain clients se croient tout permis à partir du moment où ils ont payé leur pute.

Takeru commençait à s’endormir lorsque la porte de la petite chambre s’ouvre brusquement. Deux hommes et une fille entrent dans la pièce et s’approchent du lit où sont étendus les deux jeunes gens. Il ne faut pas longtemps à Takeru pour comprendre qu’ils ont besoin de la chambre à leur tour. Il ne veut pas bouger mais les deux hommes sont plus âgés que lui et par conséquence il n’a pas vraiment le choix. Ici ce sont les plus anciens qui font la loi. Péniblement il se relève et quitte le matelas. Avant de partir Takeru se tourne vers la jeune femme mais elle lui fait signe qu’elle va rester avec les nouveaux arrivants. Un des deux hommes propose à Takeru de rester également mais il n’a pas envie de faire ça avec plusieurs personnes ce soir. Il refuse, se r’habille, met sa seringue vide au fond de sa poche et quitte la pièce.

Takeru se rend dans la pièce principale en traînant les pieds. Là des soûlards finissent de décuver et des couples qui n’ont pas pu trouver de chambres s’envoient en l’air en public. Le jeune homme passe à côté d’eux sans même les regarder. Rien n’est choquant ici. La majeure partie des personnes qui occupent le squat en ont vu bien plus au cours de leur vie et ne s’arrête plus sur ce genres de détails. Pour Takeru c’est différent, il a toujours vécu ici et a appris à faire avec. Au fond de la pièce, sa mère est étendue sur des cartons. Finalement elle a décidé de rentrer. Elle a bien fait, il fait froid dehors et elle aurait facilement pu tomber malade. Ils n’ont pas de quoi se payer des médicaments si cela devait arriver alors autant que cela n’arrive pas. Doucement le jeune Takeru traverse la pièce et va s’allonger aux côtés de sa mère. Cette dernière tourne péniblement la tête vers lui, elle le fixe un moment puis change de position. Elle ne lui adresse pas un sourire, pas une parole. C’est comme ça que ça se passe avec sa mère, aussi loin que Takeru s’en souvienne elle n’a jamais eu une seule marque d’affection pour son lui. Cependant il ne s’en plaint pas, il ne se plaint jamais de rien. Pourtant il aurait toutes les raisons de le faire mais non, il se contente de prendre ce qu’on lui offre et c’est tout. Si sa mère ne l’aime pas tant pis, lui il l’aime bien. Le jeune homme se blottit du mieux qu’il le peut sur les cartons et tente de faire abstractions des bruits qui l’entourent pour trouver le sommeil.

Takeru s’est allongé depuis une heure environ mais impossible pour lui de s’endormir. Sa gorge le brûle, il a soif. Il se relève et se dirige lentement vers la salle de bain. Il fait attention à ne pas marcher sur les corps allongés par terre et s’avance vers le lavabo. Le robinet est vide, pas de chance. Le jeune homme n’est pas surpris, il y’a de l’eau une fois tous les trente-six ici, pareil pour l’électricité. D’ailleurs depuis combien de temps ne s’était-il pas lavé ? Depuis trop longtemps assurément… il empeste. Tout le squat empeste, une véritable infection ! Heureusement Takeru ne s’en rend pas compte, il est habitué, il nage dedans depuis qu’il est petit. C’est dans ce trou à rats qu’il a poussé son premier cri et c’est certainement dans ce même trou à rat qu’il rendra son dernier souffle, emporté par une ultime overdose.

Le jeune homme observe son reflet dans le miroir, il a sale mine. Ses cheveux son gras et éteints, sa peau est cadavéreuse, ses yeux sont soulignés par d’immenses cernes violettes, bref rien ne bien réjouissant. En plus de cela il a le visage barbouillé de rouge à lèvres bon marché, petit souvenir de sa récente partie de jambes en l’air. Takeru s’essuie la figure d’un revers de manche et quitte la salle de bain (dans laquelle on ne prend jamais de bain soit dit en passant…).

Le jeune homme erre dans le squat à la recherche d’un peu d’eau mais tout ce qu’il trouve c’est un fond de bouteille de vin bouchonné. Tant pis, ça fera l’affaire. Takeru porte le goulot à sa bouche et descend ce qu’il reste de liquide. Soudain, il sent deux mains lui attraper les hanches. Il se retourne et se retrouve nez à nez avec le grand Ryo. Ryo c’est le chef du squat et également le père de substitution de Takeru. Sans Ryo le jeune homme serait probablement mort à l’heure qu’il est. Personne ne connaît son histoire, ni son âge exacte mais tout le monde ici l’admire et le respecte. Le grand Ryo attrape la main du jeune homme et le traîne jusqu’à sa chambre. C’est le seul ici à avoir sa propre chambre. Personne n’a le droit d’y pénétrer sans y avoir été autorisé par Ryo lui-même. Takeru regarde ce dernier sortir un sachet de poudre blanche de sa veste avant de lui faire signe de s’approcher de la petite table basse. Immédiatement le jeune homme obéit et s’assoit devant la ligne blanche que l’homme est entrain de préparer. Les yeux du jeune nippon brillent lorsqu’ils se posent sur la drogue. Ryo le connaît bien et sait comment lui faire plaisir. Tout excité il attend comme un enfant que le plus âgé lui donne la permission de goûter à sa friandise. Ryo donne enfin le feu vert et la ligne de coke est bien vite aspirée. Takeru renverse la tête en arrière et ferme les yeux. A côté de lui il entend Ryo sniffer à son tour la délicieuse poudre blanche. Des junkies, voilà ce qu’ils sont. Quand ta première envie en te levant le matin est de te défoncer y’a plus de doute c’est que t’es devenu un junkie. Takeru ne se souvient pas à quand remonte son premier trip, aussi loin qu’il s’en souvienne il a toujours était accro. Il a toujours plané avec ses potes les clochards, avec ceux qu’ils considèrent comme sa famille..

Soudain, il sent deux mains se poser sur ses épaules. Elles le forcent à se coucher sur le sol. Il n’émet aucune résistante et sourit béatement. La langue de Ryo explore son cou avant de venir lui chatouiller le bout des lèvres. Takeru retient son souffle et se laisse faire. Il est content de pouvoir faire plaisir à son tour à Ryo. Il ne bronche pas quand les mains de ce dernier se glissent sous son t-shirt, il espère juste qu’il ne sera pas trop brutale. Parfois quand Ryo est défoncé il ne se contrôle plus et fait mal à Takeru sans le vouloir, mais encore une fois le jeune homme ne dit rien et ne se plaint pas, après tout il peut bien supporter ça en échange de tout ce qu’il a fait pour lui au cours de ses dix-neuf années.. Les lèvres des deux hommes se rejoignent, leur langue se lient et Takeru offre à son aîné un baiser passionné. Les doigts de Ryo sur son ventre le chatouillent et ses dents cognent contre la bouche de ce dernier lorsqu’il se met à rire. Ryo lui mord la lèvre inférieur pour l’obliger à se taire et descend ses mains vers le pantalon de l’adolescent. Tout à coup le visage de Takeru redevient plus sérieux lorsqu’il sent les mains de l’homme entrer dans son jean. Il passe une main dans les cheveux de l’homme et respire doucement. Il veut être un bon amant pour Ryo, pour le remercier..

---